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INTRODUCTION

la curiosité pieuse du vivant, il lui décrit les charmes ineffables de Maitreya. Un monument marquait encore, au temps de Hiuan-tsang, le lieu de cette entrevue, au nord-ouest de la forêt des manguiers (II, 269-274).

Dans la même région qu’Ayodhyâ, la ville de Kauçâmbî se flattait de posséder dans son voisinage le couvent où Asaṅga avait composé un de ses çâstras, le Hien yang ching kiao loun (I, 122 ; II, 286).

[T.][1]Mille ans plus tard, chez Târanâtha, on retrouve encore quelques souvenirs exacts, mais noyés dans le fatras de l’hagiographie tibétaine. Asaṅga est le fils d’une matrone brahmanique, aussi pieuse que savante, mariée à un kṣatriya. Il reçoit de sa mère une instruction qui embrasse toutes les sciences ; sur le désir qu’elle en exprime, il entre en religion, apprend par cœur une masse de textes pendant cinq années ; puis il s’entraîne à l’extase, dans l’espoir de voir en face la divinité. Il s’installe sur le Kukkuṭapâda, près de Gayâ. Voilà donc Asaṅga transporté cette fois sur les confins du Bengale pour graviter autour du couvent de Nâlanda (près de Gayâ) devenu vers le viie siècle le foyer le plus éclatant de la science bouddhique. Pendant douze ans, il attend en vain la vision souhaitée, réconforté à chaque crise de découragement par une leçon de patience ; une fois il voit la roche usée par le frottement des plumes d’oiseau ; une autre fois, il la voit creusée par les gouttes d’eau ; une autre fois encore, il voit un vieillard qui façonne des aiguilles avec du fer et un polissoir de coton. Enfin il descend de sa montagne pour rentrer dans le monde ; près d’Acintapurî (Ajantâ), il aperçoit une chienne rongée toute vivante par des vers ; ému de compassion, il coupe un morceau de sa propre chair pour nourrir cette vermine et soulager la chienne. Mais tout s’est évanoui ; il n’a plus devant les yeux que Maitreya, l’ange gardien qui ne l’avait pas quitté, tout en lui restant invisible jusqu’au moment de ce sacrifice sublime. « Prends-moi sur tes épaules », dit Maitreya, « et traverse la ville ». Asaṅga obéit ; mais personne n’y vit rien,

  1. M. Pelliot a trouvé au Ts’ien fo tong de Touen-hoang un plan du Wou-t’ai chan, la montagne consacrée en Chine à Mañjuçrî, où figure un stûpa élevé en l’honneur d’Asaṅga. Ce plan paraît être du ixe siècle, au plus tard de la première moitié du xe. (Une bibliothèque médiévale retrouvée au Kan-sou, dans B. E. F. E. O. 1908, 4.)