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L’ILLUMINATION

Tous les Idéaux sont la Bouddhaté, puisque la Bouddhaté est inséparable de la Quiddité[1], et puisque la Bouddhaté est produite par le nettoyage de la Quiddité. Et d’autre part, elle n’est point un Idéal, en tant que la nature propre de l’Idéal est Imaginaire. Et la Bouddhaté est faite d’Idéaux Blancs puisque les Perfections et autres Biens sont Révolus par son existence. Et elle n’est pas exprimée par les Idéaux Blancs puisque les Perfections etc…, en tant que Perfections, ne sont pas Absolues. C’est là l’Indice de Non-Dualité. La comparaison avec la mine de joyaux et le nuage marque son efficacité ; en effet, elle est l’origine des joyaux de l’Idéal de Prédication[2] et aussi des moissons du Bien dans les champs qui sont les Séries Personnelles[3] des Disciplinables.

6. Il est dit que la Bouddhaté, c’est tous les Idéaux ; ou plutôt elle est en dehors de tous les Idéaux ; comme elle donne naissance à ce joyau si grand, si vaste, de l’Idéal, elle semble la mine de joyaux de l’Idéal ; comme elle cause la production des moissons de Blanc si grandes chez les êtres, elle devient aussi un nuage, en versant sur les créatures la pluie de l’Idéal, vaste, bien disposée, inépuisable.

  1. Tathatâ (la graphie tathâtâ, donnée par Böhtlingk, est inexacte ; le témoignage des mss. est unanime). Tib. de bźin ñid « la qualité d’être ainsi » ; chin. jou ou tchon jou « comme », « exactement comme ». C’est le fond intime, inaltérable, identique des dharma qui les fait ce qu’ils sont, comme, ils sont (tathâ). La tathatâ est ainsi identique au parinispanna lakṣana « l’indice absolu » (XI, 41), et aussi au buddhatva (IX, 4) ou à la buddhatâ (XI, 22) ; quand on la connaît et qu’on la pratique, on nettoie le dharmadhâtu « le plan des idéaux » (IX, 57) ; elle est « l’égalité de tous les dharma » (sarvadharmasamatâ, XVIII, 37). Elle est classée en sept espèces (XIX, 44-46). L’école Yogâcâra range la tathatâ parmi les asaṃskṛta « les idéaux inélaborés » ; le Kathâvatthu pâli (XIX, 5) rapporte et combat cette thèse, que le commentaire attribue à certains Uttarâpathaka : « Les dharma de forme etc., disaient-ils, ont tous quelque chose qui est leur nature-propre de forme etc., laquelle n’est pas comprise dans la forme etc. ; la forme etc. étant saṃskṛta « une élaboration de l’esprit », cette nature-propre (tathatâ) est donc en dehors du saṃskṛta ; elle est asaṃskṛta ». Mais l’école pâlie n’admettait qu’un seul asaṃskṛta, le Nirvâṇa ; elle devait donc repousser cette thèse.
  2. Comm. l. 5 réunir deçanâdharma°. Tib. bstan pa’i ćhos.
  3. Saṃtâna. Tib. rgyud « chaîne » ; le chinois ne traduit pas. On désigne sous ce nom la série des groupements successifs constitués par le développement automatique d’un karman donné et où une conscience erronée croit retrouver le jeu continu d’une même personnalité. L’usage du mot saṃtâna exclut la notion de la personnalité.