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INTRODUCTION

La religion dans ce progrès a joué le rôle essentiel : le brahmanisme a défendu d’abord l’intégrité aryenne, et laissé l’offensive aux hérésies. Le formalisme magique du culte avait favorisé de bonne heure la naissance d’une caste sacerdotale, où les connaissances héréditaires se transmettaient du père aux fils. Les prétentions croissantes du clergé provoquèrent l’aristocratie féodale à s’unir pour défendre son pouvoir menacé ; l’imitation fit le reste. Un réseau de castes se créa, consacré par le prêtre, fermé par la barrière de la pureté rituelle.

Cependant, sur les confins du groupe élu, une avant-garde interlope rompait l’isolement rêvé : aventuriers, écumeurs, forbans, pionniers venaient y confondre leurs goûts d’émancipation et reliaient par une chaîne suspecte l’Aryen à l’aborigène. Vers le VIe siècle avant l’ère chrétienne, quand l’expansion brahmanique avait entamé déjà plus qu’à moitié la vallée du Gange, le « Piémont » himalayen bordait les communautés orthodoxes ; c’est là que le Bouddha et le Jina conçurent le rêve généreux et hardi d’une doctrine de salut ouverte à tous les hommes, sans acception de naissance. Leur prédication recueillie avec enthousiasme par des disciples ardents suscita des missionnaires impatients d’éclairer et de délivrer les âmes. Les révolutions politiques de l’Inde servirent leur zèle : les grands États naissants réclamaient des cadres religieux élargis. Après le passage d’Alexandre, le premier empereur qui régna sur l’Inde entière fut aussi le premier patron du bouddhisme. Poursuivant sa carrière, l’Église du Bouddha se répand en dehors de l’Inde, catéchise les Grecs de Bactriane, range un Ménandre au nombre de ses saints, aborde les Scythes qui descendent du Pamir, prêche à ces rudes pillards des paroles de douceur et de charité, gagne à ses intérêts leur roi Kaniṣka qui ouvre aux missions l’Asie centrale : la Chine, la Corée, le Japon, l’Indo-Chine, l’Ar-