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l’esprit ; l’inspiration de tendresse et de charité universelle, qui s’étend jusqu’aux animaux, pénètre les combinaisons économiques ou politiques. La médecine indienne a graduellement conquis toute l’Asie ; dans les oasis du Turkestan chinois, on traduisait les classiques médicaux de l’Inde, et plus tard aussi dans le vaste domaine du monde tibétain. Les Arabes ont recueilli avec un égal respect les enseignements de la médecine grecque et ceux de la médecine hindoue. Il est même piquant de noter que, à la veille de la guerre, les médecins bouriates, disciples des Hindous par l’intermédiaire des Tibétains, faisaient fureur à Saint-Pétersbourg. Mais si la Grèce a enrichi sa thérapeutique d’apports indiens, en pathologie, en anatomie elle a été certainement la maîtresse de l’Inde ; là où l’intuition et l’expérience ne suffisaient plus, où l’observation scientifique était nécessaire, la Grèce était assurée de retrouver la suprématie.

Est-ce dépasser les limites de la vraisemblance et du bon sens que de chercher, jusque dans la littérature et dans la formation des genres littéraires, des influences dues au contact de l’Inde et de la Grèce ? Je laisse de côté les spéculations surannées qui, dans une sorte d’accès de délire enfantin, prétendaient tout dériver des antiquités chimériques de l’Inde, tout comme elles faisaient du sanscrit, conjointement avec l’hébreu, la langue mère de l’humanité. Mais, puisqu’il s’est trouvé dans l’Inde même un roi grec pour adhérer au bouddhisme, puisqu’il s’est trouvé dans l’Inde même un ambassadeur grec pour adhérer au bhāgavatisme, puisqu’il a existé dans l’Inde même des interprètes officiels de chancellerie en possession d’un