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Héliodore n’est pas un inconnu, c’est le roi Grec Antialkidas, de qui nous connaissons même les traits élégants et nobles. Il bat monnaie en argent et en bronze, tantôt de type attique, tantôt de type indien en pièces rectangulaires. Il se réclame de la maison d’Eukratidès par l’image de Zeus sur un trône dont il aime à marquer l’avers de ses pièces ; mais son Zeus reçoit l’hommage inattendu d’un éléphant qui dresse sa trompe vers lui. La tête du roi est coiffée parfois d’un casque, parfois aussi de la kausia, le chapeau de feutre plat et rond à la macédonienne, consacré par le souvenir d’Alexandre. Il est le « roi Antialkidas Nikêphoros », en indien « le maharaja Aṃtialikita jayadhara (« portevictoire ») ». Son ambassadeur à la cour du prince de Vidiçā est un Grec de Taxile qui porte le nom purement grec d’Héliodore ; mais ce Grec, ambassadeur d’un roi grec, n’en est pas moins fortement hindouisé. Il élève un pilier à Viṣṇu, sous le nom de Vāsudeva, qu’il qualifie de « dieu des dieux » (devadeva). Il se proclame Bhāgavata, sectateur de Viṣṇu adoré sous le vocable de Bhagavat « le Très Saint ». Il n’a pas, comme Ménandre, rejoint une communauté religieuse largement ouverte, sans égard à la naissance ou à la race ; il est officiellement affilié à une confrérie fermée, une confrérie strictement nationale, réservée à la noblesse d’épée. Le livre saint des Bhāgavata, c’est l’immense compilation épique du Mahā-Bhārata, poème didactique sous la forme d’une épopée, qui enseigne au guerrier (kṣatriya) son devoir professionnel dans l’ensemble de la société brahmanique. Le credo du Bhāgavata, c’est la Bhagavad-gītā « le chant du Très Saint », joyau merveilleux de poésie et de sagesse mystique, que le Bhāgavatisme