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échanges que la pénurie des documents ne permet pas encore de fixer avec précision, mais qui affectèrent les couches profondes de la vie et de la pensée. « Une main dessus, une main dessous, dit le poète indien Bhartṛhari, c’est le geste — et la place — de qui donne et de qui reçoit. » Ici les deux mains se prennent et se serrent. La Grèce apporte ses arts, sa plastique, sa dialectique ; l’Inde apporte sa charité et sa foi. Les monnaies en murmurent l’histoire à qui veut l’entendre. Sur la face, autour du buste royal, des lettres grecques, des titres grecs ; au revers, des lettres indiennes, des mots indiens. Une chancellerie scrupuleuse a réglé la manière de transcrire en indien les noms grecs des rois : Menandrou a pour correspondant Menaṃdrasa, comme Theophila, Theuphilasa, Diomedou, Diyamedasa… Elle a réglé avec le même soin les équivalents officiels des titres et des surnoms : basileôs a toujours pour correspondant maharajasa ; sôtêros, tratarasa ; dikaiou, dhramikasa ; anikêtou, apaḍihatasa ; nikêphorou, jayadharasa… Un lexique officiel grec-indien a été constitué, comme il se constituera plus tard avec un nouveau triomphe du bouddhisme, un vocabulaire officiel indien-chinois. À côté de l’alphabet kharoṣṭhī de type araméen que l’invasion achéménide a vulgarisé dans les pays de l’Indus, l’alphabet proprement indien, la brāhmī, qui porte pour ainsi dire l’estampille brahmanique, se montre parfois comme une protestation du nationalisme hindou, chez Pantaleon, chez Agathoklès, qui frappent avec prédilection des monnaies carrées de type indien, décorées de figures ou de symboles indiens : une panthère, une femme aux culottes bouffantes, avec de longs pendants d’oreille et une fleur à la main, un