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d’y faire entrer à la longue un cours complet de dogmatique. Ainsi, par l’effet d’un hasard qui, comme tous les hasards, n’est que l’aspect imprévu d’une réalité logique, le nom d’un roi grec reste attaché à l’exposé probablement le plus ancien du système bouddhique. Vrai ou non au point de vue strictement historique, le livre des Questions de Ménandre est vrai d’une vérité supérieure, comme un symbole. Personne ne conteste que, par les représentations figurées qu’il a données au bouddhique, le génie grec a exercé sur le développement du culte bouddhique une influence décisive ; les ateliers grecs du Gandhāra ont créé à l’usage de l’Inde ces admirables types de Bouddhas et de Bodhisattvas que l’apostolat bouddhique a colporté d’un bout à l’autre de l’Extrême-Orient. Sans les artistes anonymes formés aux écoles de la Grèce européenne ou de la Grèce asiatique, la Chine n’aurait pas les sculptures des Wei, le Japon n’aurait pas l’art du Yamato, Java n’aurait pas les frises de Boro-Boudour. Et, sans aucun doute, c’est au contact fécondant de l’intelligence grecque que le bouddhisme s’est élevé d’une simple éthique de moines aux problèmes ardus de la métaphysique qu’il avait d’abord prétendu ignorer. Poussé par son ardeur généreuse de charité à chercher des prosélytes jusque chez les Grecs, le bouddhisme devait se créer des saint Paul tels que Nāgasena pour parler à des Gentils qu’il ne suffisait pas d’émouvoir, mais qu’il fallait convaincre sans se laisser démonter par les railleries d’un scepticisme aimable.

Il serait difficile d’affirmer, sur la foi des Questions de Milinda, que le roi Ménandre ait apporté au bouddhisme