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Or un jour le roi Milinda était sorti de la ville pour passer en revue ses soldats, ses montures, toute son armée au complet. Le recensement une fois achevé, le roi, qui aimait la controverse, eut envie de converser avec des gens de science et de raisonnement ; il regarda le soleil et interpella ses ministres : « Nous avons encore pas mal d’heures devant nous. Que ferons-nous en ville si nous y rentrons maintenant ? N’y a-t-il pas quelque lettré, sramane ou brahmane, chef de communauté ou d’école, faisant même profession de Saint ou de Bouddha intégral, qui puisse converser avec moi et réduire mon incertitude ? » Les maîtres qu’on amène devant le roi sont incapables de lui tenir tête. « Et le roi Milinda s’écria : En vérité, l’Inde (Jambudvīpa) est vide ; l’Inde n’est qu’un rien ! Il n’y a donc ni sramane ni brahmane qui puisse converser avec moi et réduire mon incertitude… Les ministres gardèrent le silence, les yeux fixés sur le roi. »

Enfin survient Nāgasena ; ses existences antérieures l’ont déjà mis en contact avec Milinda, et les mérites qu’il y a acquis sont supérieurs à ceux du roi. Milinda avait un ministre nommé Devamantiya (probablement le nom de Démétrius accommodé à l’indienne). « Et alors Devamantiya dit au roi Milinda : arrive, grand roi ! arrive, grand roi ! Il y a un ancien d’entre les moines bouddhiques, nommé Nāgasena ; il est savant, disert, intelligent, de bonnes manières, de bonne tenue, très instruit, varié dans ses propos, rapide d’esprit ; intérêt, justice, interprétation, intuition, analyse, en tout il excelle. Actuellement il loge à l’ermitage Sankheyya. Vas-y, grand roi, pose tes questions au bienheureux Nāgasena ; il est capable de converser