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gravé, afin que mes fils et mes petits-fils, tant qu’il y en aura, ne croient pas qu’ils doivent faire quelque conquête nouvelle, et afin que, même dans le cas d’une conquête par les armes, ils prennent leur plaisir à la patience et à la douceur, et qu’ils regardent comme la seule conquête la conquête de l’Ordre légal, laquelle vaut pour ce monde et pour l’autre ; qu’ils mettent tout leur plaisir dans le plaisir de l’Ordre légal, qui vaut pour ce monde et pour l’autre. »

Le nom du roi n’est pas prononcé une seule fois au cours de ce long édit ; il ne l’est pas davantage dans toute la série de ses proclamations. L’effacement volontaire de la personne ne saurait aller plus loin ; il a fallu la science européenne, non seulement pour déchiffrer les écritures depuis longtemps oubliées, mais pour lever le masque derrière lequel s’était délibérément dissimulé un empereur. Rien non plus ne trahit une préférence religieuse ; ici comme partout Açoka s’occupe avec un soin égal de toutes les confessions. Et pourtant c’est au bouddhisme que le roi s’était personnellement attaché. La communauté fondée par le Bouddha deux ou trois siècles plus tôt était restée une confrérie de moines errants, réunis seulement à la saison des pluies, entretenus par la piété charitable de patrons laïques (upāsaka) ; les Grecs d’Alexandre, s’ils en avaient rencontré au Penjab, n’avaient pas su les distinguer ; Mégasthène paraît les avoir ignorés à Pāṭaliputra même. Après le Bouddha, c’est Açoka qui a le plus fortement agi sur le bouddhisme, il lui a donné une place officielle dans l’État. Il se contente pendant deux ans et demi d’être classé au rang des bienfaiteurs laïques, astreints à des règles assez lâches ; mais quand il publia ses édits, il