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Marathon et Salamine ont faussé nos perspectives. Nous avons pris parti pour la Grèce, épousé, exagéré ses justes rancunes : les Perses sont des vaincus et des barbares. Pourtant l’œuvre de Cyrus et de Darius domine encore notre monde qu’elle a façonné. Alexandre, Auguste, Charlemagne sont, sans le savoir, leurs élèves et leurs héritiers. Ils ont conçu et réalisé, les premiers sans doute, une vaste unité humaine organisée sous l’autorité d’un pouvoir central, au-dessus des divisions de races, de religions, de langues, sans tolérer aucune autorité qui ne fût émanée d’eux-mêmes et d’eux seuls ; plus de vassaux interposés ; rien que des fonctionnaires, choisis par le maître et à sa merci. Cyrus (558-530) porta son système jusqu’au seuil du monde indien, au pied sud de l’Hindou-Kouch, où il prit et détruisit Capissa (Kapiçā). Darius (522-486) poussa jusqu’aux rives de l’Indus, les soumit, les incorpora à son empire, en forma deux satrapies : Gandhara (pays de Caboul avec annexe sur la rive gauche de l’Indus), et Hindu (le Sindh, la basse vallée du fleuve). L’Inde était à peine effleurée, comme un siècle et demi plus tard au passage d’Alexandre. Les contre-coups n’en furent pas moins immenses et durables. Ce n’est point un hasard de synchronisme qui fait surgir presqu’à la fois Pythagore en Grèce, le Bouddha dans l’Inde, Confucius et Lao-tseu en Chine ; des réalités concrètes rythment la vie spirituelle. L’empire perse était le champion d’une doctrine religieuse aussi bien que d’une doctrine politique ; Zoroastre marche avec Darius. Un détail symbolise le nouveau monde qui s’inaugure. Darius confie à un Grec, Scylax de Caryanda, l’exploration du cours de l’Indus. Les richesses de l’Inde,