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les couvents de la Sérinde ; on a même fait passer en turc la métaphysique de l’Abhidharma Koça avec la surcharge d’un commentaire. Mais, dans ce pêle-mêle des steppes, les explorateurs chinois avaient signalé des peuplades aux yeux bleus, aux cheveux roux, conformes au type que nous appelons « Aryen ». Et en effet, les fouilles de Koutcha, de Tourfan, de Karachar ont révélé la présence dans ces oasis, au cours des dix premiers siècles de l’ère, d’une population au parler aryen ; la surprise redouble encore quand on constate que ces enfants perdus de la famille indo-européenne appartiennent par des caractéristiques décisives au groupe italo-celtique ; les cousins des Latins et des Gaulois ont pénétré jusqu’aux confins du monde chinois, y ont exercé le pouvoir et y ont développé sous l’influence de l’Inde une culture brillante, dans les cadres du Bouddhisme ; leur génie, attiré vers l’Inde par des affinités instinctives, a longtemps résisté avec obstination à l’emprise de la Chine, décidément trop différente. Introduite officiellement dans la politique de la Sérinde un siècle avant l’ère, la Chine ne s’y maintient que par la force, et ses colonies précaires, suivent le sort de ses armes, tandis que l’Inde réussit à s’imposer sans recours à la violence, par le seul prestige de sa morale et de sa science. Jusqu’à l’arrivée des Musulmans qui marque ici aussi l’effondrement de l’ancien monde, l’histoire politique de la Sérinde est un chapitre de l’histoire de la Chine ; l’histoire de la civilisation appartient au domaine de la civilisation indienne.

Après la mission de Tchang K’ien et les victoires des généraux de Wou ti, la Sérinde entière reconnaît l’hégémonie chinoise. Deux routes sont officiellement ouvertes