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12 000 captifs, 30 000 têtes de bétail restent entre les mains du vainqueur. Wang Hiuan-ts’ö ramena le souverain prisonnier à la cour impériale, en 648. L’empereur T’ai-tsong mourut l’année suivante. Un mausolée lui fut élevé précédé d’une avenue que bordaient les statues des rois soumis : un prince hindou, le successeur illégitime de Harṣa, A-lo-na-chouen y figurait à côté du roi du Tibet Srong-btsan Sgam-po, des rois de Koutcha, de Tourfan, etc.

L’épisode de Wang-Hiuan-ts’ö et d’A-lo-na-chouen condense en un raccourci saisissant la transformation soudaine d’un monde entier. L’humiliation politique de l’Inde va de pair avec la création sur ses frontières d’une puissance nouvelle qui va contribuer à étendre le domaine déjà si vaste de la civilisation indienne. Les immenses plateaux qui s’étalent sur le versant nord de l’Himalaya à des altitudes formidables, entre 3 000 et 5 000 mètres, bordés sur leur pourtour entier par des massifs gigantesques qui les isolent de la Chine, de la Sérinde et de l’Inde, n’avaient été longtemps habités que par des peuplades sauvages de pâtres, disséminées dans le creux des vallées, sans cohésion, absorbées par le souci de leur misérable existence. Au début du viie siècle, un barbare de génie groupe ces éléments épars, les organise en nation, leur impose de force une civilisation qu’il crée de toutes pièces, et fait trembler autour de lui les souverains les plus redoutés. Srong-btsan Sgam-po tient à la fois de Clovis, de Charlemagne et de Pierre le Grand. Il se tourne d’abord du côté de l’Inde. Sur le versant sud de l’Himalaya s’était constitué depuis plusieurs siècles un royaume florissant qui occupait les montagnes entre les pays cachemiriens et l’Assam ; sous une dynastie qui prétendait se rattacher au clan aristocratique