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meurtrier de son frère ? La tendresse triomphe une fois de plus dans cette âme énergique et si profondément hindoue. Il confie à son cousin Bhaṇḍi le commandement des troupes, et il s’achemine en hâte sur les traces de sa sœur. Il la retrouve enfin, et, si on en croit son biographe, dans des conjonctures éminemment romanesques : il la rejoint au moment où, abreuvée de tristesses, lasse des rudes expériences de la vie, elle va monter sur le bûcher ; l’ermitage voisin où il la conduit pour la réconforter est dirigé par un ancien familier de Grahavarman, le brahmane Divākaramitra, adepte par la naissance d’une des écoles du Yajur-Veda, et qui a pris la robe ocrée des religieux bouddhistes après la catastrophe où son ami a péri. Rājyaçrī supplie son frère de l’autoriser à entrer, elle aussi, en religion, dans la règle du Bouddha. Harṣa ne peut admettre que sa sœur soit encore une fois séparée de lui ; il prie le moine Divākaramitra de les suivre tous deux dans sa capitale. « Tandis que je m’acquitterai de mon vœu, appliqué à consoler mes sujets en deuil de la perte de mon père, je souhaite que ma sœur reste à mon côté, réconfortée par vos pieux discours et vos instructions apaisantes d’où sort une sagesse salutaire, et par les doctrines du Bouddha qui chassent bien loin les passions mondaines. Plus tard, quand j’aurai accompli mon dessein, elle et moi ensemble nous prendrons tous les deux la tenue sacrée. » Le moine ne peut se dérober aux sollicitations du prince ; ils s’acheminent de compagnie vers les rives du Gange.

La Biographie de Harṣa (Harṣa-carita) se ferme sur cette scène émouvante et grandiose où semblent se concentrer toutes les inspirations de l’Inde. Elle est comme un prélude symbolique à la carrière de Harṣa, qui résume