Page:Lévi - L’Inde civilisatrice, 1938.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naire. Song Yun ne parvint pas à le faire céder. Le roi emmena alors Song Yun dans un temple où on était entretenu fort chichement. »

Évidemment Mihirakula n’était pas homme à s’embarrasser des délicatesses du protocole. La douceur du bouddhisme n’était pas faite non plus pour lui émouvoir le cœur. Entre les dieux du panthéon hindou, il avait, comme les premiers Kouchans avant Kaniṣka, adopté Çiva « le propice » de qui le nom (comme dans le cas des Euménides « les bienveillantes », en réalité les Furies) cache sous une antinomie les aspects farouches et redoutables. Il frappe sa monnaie au symbole du taureau, la monture de Çiva, avec la légende : Vive le taureau ! (jayatu vṛṣaḥ). La campagne qu’il menait alors contre le Cachemire, et qui finit par la conquête du pays, menaçait au cœur l’Église du Bouddha. Depuis les jours du dernier concile, la charmante vallée restait un ardent foyer d’études bouddhiques ; on y venait de partout étudier la Loi, témoin Kumārajīva que sa mère y avait amené encore enfant de Koutcha pour y recueillir les leçons des maîtres. On y conservait, on y adorait la sébile de Çakyamuni, le Graal du bouddhisme, qui devait, d’après les prophéties dont Fa-hien entendait l’écho même à Ceylan, faire d’étape en étape le tour de l’Asie : Khotan, Koutcha, Ceylan, Chine, comme l’emblème des victoires de la foi. Or on apprit un jour avec horreur, dans toute l’étendue de la grande communauté, que la sébile avait été brisée ; Mihirakula avait osé porter la main sur la relique. À l’horreur se mêlait le découragement : qu’allait devenir la religion si les espérances suscitées par les prophéties étaient anéanties ? Il se trouva un voyant pour réconforter les fidèles : une apocalypse, le Discours tou-