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230 millions d’âmes. Son aire couvre tout le trapèze de l’Hindoustan et déborde au sud sur le Deccan dont elle englobe la portion nord-ouest. Les Dravidiens, au nombre de 53 millions, occupent tout le reste du Deccan. Les Tibéto-Birmans sont répandus le long de l’Himalaya. Les Austro-Asiatiques appartiennent surtout à la branche Munda, dans l’arrière-pays montagneux entre le delta du Gange et la Mahanadi. Pour les deux premiers groupes, de beaucoup plus nombreux, et qui parlent des langues de culture parvenues à un développement littéraire, l’unité de parler est loin de déceler l’unité de race ; des populations de toute provenance y ont été fatalement absorbées par l’attrait et le prestige d’une civilisation supérieure. Tels qu’ils sont, ces groupes ouvrent au linguiste et à l’anthropologiste des perspectives illimitées. Je n’ai point à tracer ici le programme de leurs recherches ; il me suffit d’en avoir esquissé la matière.

Quelle civilisation a pu surgir du contact de ces groupes si fortement hétéroclites, encadrés dans cette nature singulière ? La question est digne de préoccuper les esprits réfléchis. L’Inde est, en effet, dans l’ancien monde, le seul cas de civilisation intra-tropicale. Les pays de grande civilisation sont, à part l’Inde, situés dans la zone tempérée ; l’effort de l’homme contre la nature a constamment tendu à porter plus loin vers le nord les foyers de civilisation. L’histoire de l’esprit humain tient pour une grande part dans les phases successives de ce déplacement. Issue des contrées chaudes, lumineuses qui s’orientent vers le fond du golfe Persique ou de la Méditerranée Orientale, parvenue un instant à un point d’équilibre apparent dans