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vain, à nouer des relations par mer entre l’Inde et la Syrie ou l’Égypte. Vers la fin du iie siècle av. J.-C., on signale d’heureuses tentatives. Sous Ptolémée Évergète II (146-117), Eudoxe de Cyzique, le précurseur trop peu connu des Diaz, des Gama, des Colomb, réussit deux fois la traversée, grâce au concours d’un pilote indien jeté par la tempête sur la côte égyptienne. Il veut tenter une autre voie, atteindre l’Inde par l’ouest, organise deux expéditions de Gadès (Cadix), et disparaît. Un siècle plus tard, Strabon regrette encore la difficulté et la rareté des informations. Mais vers le milieu du ier siècle de l’ère, le pilote Hippale observe l’alternance périodique des moussons qui soufflent six mois de sud-ouest en nord-est, et six mois de nord-est en sud-ouest, phénomène utilisé sans doute, mais tenu secret par les navigateurs arabes. Il a d’autre part relevé les positions des comptoirs du littoral au cours de ses voyages. Les bateaux peuvent dès lors s’élancer en pleine mer, d’abord du cap Syagrus (Ras Fartak, par 15° N. sur la côte arabe) jusqu’à Patala, le port fondé par Alexandre aux bouches de l’Indus ; puis, par un nouveau progrès, jusqu’à Supara et Barygaza (Bharukaccha) ; enfin, des ports voisins du détroit de Bab-el-Mandeb, à la sortie de la mer Rouge, on fit voile directement vers la côte du Malabar où le trafic du poivre se concentra dans le port de Muziris. L’Inde était dès lors prise de flanc et de revers. Il faut descendre quatorze siècles plus tard pour rencontrer une révolution économique comparable à celle-ci, quand les découvertes des Portugais changent de fond en comble les voies commerciales de toute l’Asie. L’Inde n’avait jusqu’ici qu’une porte d’entrée et qu’un débouché, toute son activité s’orientait