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et des campagnes sous les taxes, les corvées, les paiements volontaires, il a sur sa propre cassette, et dans un temps qui n’est point excessif, établi une digue trois fois plus forte en longueur et en largeur. Les conseillers et les ministres du grand satrape, par le zèle de leur charge, s’étaient opposés à l’entreprise que la grandeur excessive de la brèche semblait rendre inutile ; le travail était toujours remis ; le peuple désespérait de revoir la digue construite et poussait de hauts cris. Alors, pour donner satisfaction à la ville et à la campagne, le prince préposé au gouvernement de l’Ānarta et du Surāṣṭra entiers, le Parthe (Pahlava) Suviçākha, fils de Kulaipa, ministre… a, par souci de la Loi, de la gloire, de la renommée de son maître exécuté ceci. »

Cette inscription, si précise, si riche de faits, est une grande date dans l’histoire du sanscrit. Pour la première fois, la langue sacrée des brahmanes entre dans l’usage officiel des cours et des chancelleries. Nous avions vu sous l’Indo-Scythe Kaniṣka une révolution analogue s’accomplir au Cachemire, où le concile bouddhique avait consacré l’édition des Livres saints en sanscrit. De part et d’autre il avait fallu l’intervention d’une puissance étrangère à l’Inde pour briser avec le préjugé qui enfermait le sanscrit dans les écoles et les académies des brahmanes. On peut regretter que le génie de l’Inde se soit figé pour de longs siècles dans une langue qui restait de plus en plus à l’écart des parlers réels, et, par une conséquence fatale, des réalités, condamnée à s’isoler dans des pensées, des sentiments, tout un monde de convention. Mais il ne faut pas oublier que le sanscrit a donné à l’Inde une langue littéraire commune