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accessible, n’est plus qu’une langue académique, séparée de la vie journalière, réservée aux esprits cultivés, à la manière du latin des humanistes. Enfin c’est à un roi Çātavāhana qu’est adressée l’Épître Amicale où Nāgārjuna résume le catéchisme de la doctrine bouddhique ; elle fait pendant à l’Épître au roi Kaniṣka par Açvaghoṣa. Moins artiste que son émule, Nāgārjuna est plus vigoureusement systématique ; il est le créateur d’une école, appelée l’École Moyenne (Madhyamika) parce qu’elle prend place entre l’affirmation et la négation radicale, mais qui aboutit en réalité au nihilisme par la thèse de l’universelle illusion. L’école de Nāgārjuna domine le bouddhisme jusqu’à la réaction idéaliste d’Asanga et de Vasubandhu ; elle ne disparaît alors que pour changer de camp : les brahmanes la recueillent et la transforment sous l’aspect du Vedānta.

Le triomphe de Gotamīputra sur son voisin, le satrape du littoral, préparait à la dynastie des Sātakaṇi un nouveau péril. L’annexion des territoires conquis les portait au contact d’une autre famille de satrapes indo-parthes installée dans le sud-ouest du Rajpoutana. Le premier de la lignée n’est encore hindouisé qu’à demi ; sur ses monnaies, d’affinités parthes, il porte un nom indien, Bhūmaka, qui frappe par sa formation incorrecte ; mais son fils Caṣṭana, sur ses propres monnaies où il rappelle sa filiation, lui laisse son nom scythique Ysamotika dont Bhūmaka est une sorte de traduction (ysam = persan zam « terre » ; bhūmi « terre » en sanscrit). Caṣṭana, son successeur, règne à Ujjayinī, dans le même temps que Siri Pulumāyi à Pratiṣṭhāna ; nous l’apprenons également par les Tables géographiques de l’astronome Ptolémée, rédi-