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seuls démons, où le héros, séparé d’une compagne adorée par le rapt audacieux de Rāvaṇa, ne trouvait comme auxiliaires pour la plus sainte des causes que des singes et des ours. « Derrière le missionnaire vient le marchand, derrière le marchand vient la baïonnette » dit un proverbe des Gourkhas, qui fait honneur à la vieille sagesse de l’Inde. Marchands et soldats étaient venus ; des villes s’étaient fondées, des états s’étaient constitués ; la main d’un chef énergique avait groupé sous son autorité le pullulement des communautés rurales, incapables de se défendre contre les bandits ou les sauvages de la jungle, toujours en quête d’un gardien (c’est un des titres les plus fréquents du roi indien), trop heureuses de payer par la redevance d’un sixième la possession tranquille du sol et des moissons. Les pays coloniaux, par la vaste étendue des territoires et la dispersion du peuplement, favorisaient l’éclosion de grands empires. Le Kalinga, au sud des bouches du Gange, le long du golfe du Bengale, avait pu tenir un temps en échec les forces d’Açoka, maître de tout l’Hindoustan. Leurs voisins, les Andhras, qui occupaient la vallée de la Godavārī, comptaient (au témoignage de Pline qui copie probablement Mégasthène) 30 villes murées, d’innombrables villages et une armée de 100 000 fantassins, 2 000 chevaux, 1 000 éléphants. Açoka incorpora tout le Deccan jusqu’au Mysore dans son empire ; l’extrême sud (Kerala, Pāṇḍya, Cola = Malabar et Coromandel) préserva une sorte d’autonomie. L’effondrement de l’empire Maurya ressuscite les royaumes qu’il avait absorbés. Nous savons bien peu de leur histoire. Nous pouvons cependant nous imaginer les règnes de leurs princes sur le modèle d’un d’entre eux,