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un copieux commentaire. Le concile consacra la victoire de l’École des Sarvāstivādin, la plus modérée dans ses conceptions philosophiques, puisque — comme son nom l’indique (sarva « tout », asti « est ») — elle admet l’existence de toute chose, et se tient à distance de la négation universelle ou de l’idéalisme absolu : « ils prennent tout ce que renferment les écritures dans le sens le plus vulgaire ; ils croient à tout et ne discutent rien » (Cosma de Cörös, d’après les Tibétains). Les Sarvāstivādin avaient adopté pour langue sacrée le sanscrit, tandis que les écoles rivales restaient fidèles à des dialectes inférieurs, rapprochés des parlers populaires. Or le sanscrit était la langue sacrée de la culture brahmanique, de la littérature brahmanique, des écoles brahmaniques ; en s’y ralliant le bouddhisme acceptait l’héritage glorieux de ses devanciers et de ses rivaux ; il se constituait le représentant intégral du génie indien. Et, comme pour affirmer cette transformation, ou plutôt cette révolution, le Concile vit surgir des rangs du bouddhisme la personnalité la plus originale et la plus puissante peut être que l’Inde ait enfantée, un créateur en qui bouillonnent toutes les forces de création de cette époque unique, Açvaghoṣa. Jusque là, l’Inde n’avait qu’une littérature anonyme ou collective. Açvaghoṣa ouvre presque tous les genres avec des œuvres maîtresses : le théâtre, avec un drame où il prend pour héros le disciple bien-aimé, Çāriputra (Çāriputra-prakaraṇa) ; le poème épique, avec une Vie du Bouddha (Buddha-carita) et le roman attendri du Beau Nanda (Saundarananda) ; la polémique avec la Pointe de Diamant (Vajrasūcī) ; l’épître apostolique avec la Lettre à Kaniṣka ; le conte édifiant avec