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disparaître ; elle se réduit au nom et au titre royal (basileus [basileôn megas] Ooema Kadphisês). Encore une fois, l’Inde à peine conquise a conquis son conquérant. « Yen-kao-tchen anéantit (les chefs) du T’ien-tchou (Inde) et le plaça sous l’autorité d’un seul homme ». Les monnaies éclairent et complètent cette courte indication de l’Histoire des Seconds Han. Mais ni la littérature ni l’épigraphie de l’Inde n’ont encore rien ajouté à ces maigres informations sur un règne qui fut glorieux.

Le règne de Kaniṣka qui s’ouvre ensuite marque une des époques les plus brillantes de la civilisation indienne, la plus brillante peut-être. L’Inde classique naît dans cette période féconde ; qu’on étudie la poésie, le théâtre, la philosophie, les doctrines, les sciences, les arts, les recherches ramènent toujours à l’époque de Kaniṣka. Et, comme pour marquer d’une empreinte très indienne cette figure exceptionnelle, la date de Kaniṣka reste une énigme. On a tenté d’accrocher son avènement à tous les points de repère utilisables : l’ère Vikrama, en 57 av. J.-C. ; l’ère Çaka, en 78 apr. J.-C. ; on a proposé des combinaisons qui le portent au ier siècle avant l’ère chrétienne, au ier, au IIe, au IIIe après le Christ. Et cependant les documents abondent et de tout ordre. Nous avons des inscriptions qui se répartissent sur toute la durée de son règne et qui s’étendent sur tout le nord de l’Inde, des frontières nord-ouest jusqu’à Bénarès (Sarnath), d’innombrables monnaies, des textes sanscrits, chinois, tibétains, mongols, tout un cycle de contes. Nous avons même une statue, grandeur naturelle, qui porte son nom et ses titres (mahārājā rājādhirājā devaputra) gravés sur la pierre en caractères contempo-