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ties locales. L’unité impériale n’a jamais été qu’un accident éphémère, une contrainte sur la nature, et, dans le fait, une création nominale plus qu’une réalité. L’histoire contemporaine apporte une preuve nouvelle : la capitale officielle, Calcutta, est dans cette Inde si ancienne une ville sans passé, surgie à l’extrémité la plus reculée de la terre indienne ; on a cherché récemment à réparer l’erreur, à transporter ailleurs le siège du gouvernement. Le choix s’est arrêté sur Delhi, consacrée par la tradition épique du Mahā-Bhārata et par le souvenir encore prestigieux des Grands Mogols, mais Delhi n’est centrale que pour l’Hindoustan ; pour la presqu’île indienne, Delhi est au bout du monde indien, vers le nord. Par la disposition de ses plissements, l’Inde est organisée à la façon d’une ellipse, et non d’une circonférence : elle a deux foyers. L’un à l’entour de Delhi, dans cette espèce d’isthme en pleine terre, resserré entre les contreforts de l’Himalaya au nord, et la contrée désertique du Rajpoutana au sud, et qui fait communiquer le bassin de l’Indus, orienté vers le monde iranien, avec le bassin du Gange, orienté vers l’Indochine. C’est là que s’est décidé maintes fois le sort de l’Inde envahie ; là s’est arrêtée l’armée d’Alexandre ; là ont triomphé les Turcs, les Afghans, les Mongols, les Anglais. L’autre foyer, d’une symétrie frappante, est au voisinage du golfe de Cambaye, par où la mer s’insinue le plus profondément dans le continent indien, aux confins du désert, à l’origine des voies qui vont des portes de la côte, soit aux vallées qui débouchent sur le Gange moyen, soit à l’intérieur du Deccan. C’est là qu’ont prospéré jadis les entrepôts du commerce hellénique, arabe, portugais, hol-