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prise et sont incapables de se porter secours. En fait, si on considère les dangers de ces gorges vertigineuses, les difficultés surpassent toute description. Les sages souverains se sont appliqués à assurer la sécurité intérieure de l’Empire, sans rien chercher au dehors. Si vous envoyez une mission porter la réponse impériale et servir d’escorte à des marchands barbares, vous découragez de bons fonctionnaires en leur imposant un voyage dangereux et difficile ; vous fatiguez et vous dégradez les meilleurs serviteurs en les chargeant d’un service inutile. Ce n’est pas là une politique prévoyante. Puisque l’envoyé a déjà reçu son insigne de délégation, soit, qu’il aille au P’i-chan, et qu’il en revienne. »

Tou K’in parlait en esprit pratique, il fut approuvé et suivi. Mais les esprits pratiques ne savent pas tout prévoir. Une vingtaine d’années plus tard, en l’an 2 av. J.-C., un fonctionnaire chinois envoyé en mission chez les Ta Yue-tche y recevait de la bouche du prince héritier, la communication orale d’un texte bouddhique qu’il rapportait en Chine. Ni les dangers, ni les fatigues que Tou K’in avait décrits avec tant de précision n’allaient plus arrêter les apôtres et les missionnaires qui pendant des siècles allaient s’employer à souder l’Inde et la Chine dans l’adoration commune du Maître entré dans le Nirvāṇa. Et derrière eux, une civilisation tout entière devait passer.