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le kalevala

d’argent, à la pauvre jeune fille, à l’enfant qui implore ! »

« Et Kuutar me donna de ses parures d’or, Päivätär, de ses parures d’argent. J’en ornai mon front et mes tempes, et je revins, belle comme une fleur radieuse, belle comme la joie, dans la maison de mon père.

« Je les portai un jour, je les portai deux jours, mais, le troisième jour, je les quittai et les déposai dans l’aitta bâtie sur la colline, sous le couvercle du meilleur coffre. Elles y sont restées jusqu’à ce jour, sans même que je sois allée les revoir.

« Ceins donc, maintenant, ton front du bandeau de soie, tes tempes du bandeau d’or ; suspends les perles brillantes à ton cou, la boucle d’or à ta poitrine ; change ta chemise de toile grossière contre une chemise du lin le plus fin ; mets une robe de laine, une ceinture de soie, de beaux bas de soie, de belles chaussures ; noue les tresses de tes cheveux avec un cordon de soie ; orne tes doigts d’anneaux d’or, tes bras de bracelets d’argent.

« Puis tu reviendras à la maison, comme le charme de ta famille, comme l’amour de tous ceux de ton sang ; tu brilleras, tu t’épanouiras, telle que la fleur sur le sentier, telle que la fraise des champs, plus belle que par le passé, plus admirée que tu ne le fus jamais. »

Ainsi parla la mère à son enfant. Mais Aino demeura insensible à ses prières. Elle s’en alla, pleurant, errer dans l’enclos de la maison, et elle éleva la voix, et elle dit :

« Comment est faite l’âme, comment sont faites les pensées de celle qui est heureuse ? L’âme, les pensées de celle qui est heureuse sont semblables à l’eau qui danse joyeusement dans un vase. Comment est faite l’âme de celle qui est malheureuse, comment sont faites les pensées des oiseaux des régions glacées[1] ? L’âme de celle

  1. Fuliginæ glaciales.