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le kalevala

bleu manteau de laine en brouillard, sa fine ceinture en traînée d’étoiles.

Puis il berne le jeune Joukahainen lui-même ; et il le précipite dans un marais jusqu’au milieu du corps, dans un pré jusqu’aux reins, dans une terre plantée de bruyères jusqu’aux aisselles.

Et, maintenant, le jeune Joukahainen sut et connut que celui qu’il avait rencontré sur sa route, et avec lequel il avait voulu lutter, était véritablement le vieux Wäinämöinen.

Il tenta avec un de ses pieds de sortir de l’endroit où il était enfoncé ; mais ce pied resta sans mouvement. Il essaya avec l’autre, mais cet autre se trouva chaussé d’un soulier de pierre.

Alors le désespoir s’empara du jeune Joukahainen. Il sentit que tout lui était funeste, et il dit : « Ô sage Wäinämöinen, ô tietäjä[1] éternel, rappelle à toi tes paroles sacrées, tes ensorcellements magiques ; délivre-moi de ces angoisses, je te payerai une riche rançon. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Que me donneras-tu si je rappelle à moi mes paroles, si je te délivre de tes angoisses ? »

Le jeune Joukahainen dit : « J’ai deux arcs, deux beaux arcs, sûrs et puissants pour le tir. Prends celui des deux qui te plaira ! »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Homme aux courtes pensées, je n’ai que faire de tes arcs, je ne m’en soucie en aucune façon, monstre détestable ! J’ai des arcs, moi aussi ; chaque mur de ma maison en est couvert ; des arcs qui vont chasser au bois, sans le secours d’une main d’homme. »

Et il berna de nouveau le jeune Joukahainen, et il l’enfonça plus profondément dans le marais.

Le jeune Joukahainen dit : « J’ai deux bateaux, deux beaux bateaux. L’un est prompt à la course, l’autre est

  1. Enchanteur, sorcier.