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le kalevala

pas sur la terre couleur de foie[1] ; il fait un troisième pas, et il arrive jusqu’au pied du chêne flamboyant.

Alors, de sa hache, il le frappe une fois, il le frappe deux fois. Au troisième coup, le feu jaillit de l’acier, Panu[2] s’échappe du tronc ; et le chêne chancelle, et l’arbre immense penche vers la terre.

Ainsi, trois coups ont suffi pour renverser le géant, pour abattre les cent couronnes. Les racines arrachées gisent tournées vers l’orient, la cime fléchit vers le nord-ouest, les faibles rameaux vers le midi, les branches puissantes vers le nord.

Celui qui prit une branche de l’arbre eut en partage un bonheur éternel ; celui qui détacha un bouquet de sa couronne, un taika[3] éternel ; celui qui en cueillit une seule feuille sentit s’allumer dans son cœur un amour éternel. Le héros coupa l’arbre en mille pièces, et il les dispersa sur la surface de la mer, sur les vastes flots. La mer les emporta au loin, les flots les ballottèrent comme de petits navires, comme de tégers bateaux.

Et ils voguèrent ainsi jusqu’aux rivages de Pohjola.

Là était une jeune femme qui lavait les voiles de sa tête, les vêtements de son corps, sur une pierre fixée dans l’eau, à l’extrémité d’un long promontoire.

Elle aperçut les débris flottant sur les vagues, et elle les recueilrt dans sa hotte d’écorce de bouleau, pour les emporter dans sa maison et en fabriquer des flèches ensorcelées.

Et, maintenant que le chêne a été renversé, que l’arbre merveilleux a été abattu, le soleil et la lune ont retrouvé une place pour darder leurs rayons ; les nuages pour poursuivre leur course ; l’arc-en-ciel pour déployer son splendide croissant, à l’extrémité du cap nébuleux, de l’île riche d’ombrage.

  1. Comparaison familière à la poésie finnoise.
  2. Personnitication du feu.
  3. Talisman, amulette, instrument magique. Quelle puissante et magnifique vertu la mythologie finnoise attribue au chêne !