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deuxième runo

jambes ; des gantelets de cuivre couvrent ses mains, et sous ses gantelets de cuivre, des mitaines de cuivre. Une ceinture de cuivre entoure sa taille, une hache de cuivre end à son côté ; le manche en est long d’un pouce, le fer large d’un ongle[1].

À la vue de cet homme, de ce héros, le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen pense et médite profondément.

Il dit : « Qui es-tu donc, toi qui te présentes ici comme un homme ? Qui es-tu, pauvre misérable ? Tu ne vaux guère plus qu’un mort, tu n’es guère plus beau qu’un être privé d’existence[2]. »

Le petit homme du fond de la mer, le héros des flots répondit : « Je n’en suis pas moins un homme comme les autres, un petit héros du peuple de la mer. Je viens ici pour arracher le chêne, pour mettre le bel arbre en pièces. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « Tu n’as point été fait, tu n’as pont été créé pour arracher le grand chêne, pour abattre l’arbre merveilleux. »

Et Wäinämöinen jeta les regards autour de lui. Mais, déjà l’homme, déjà le héros avait pris une autre forme. Il frappe puissamment la terre du pied, il porte son front dans les nues. Sa barbe flotte jusque sur ses genoux, ses cheveux jusque sur ses talons. On mesure une brasse entre ses deux yeux ; son pantalon est large d’une brasse au-dessus du pied, d’une brasse et demie autour du genou, de deux brasses autour de la cuisse.

Et le héros se met à repasser sa hache, à en aiguiser le tranchant avec six, avec sept pierres.

Puis il s’élance vivement avec ses pieds légers. Il fait un pas rapide sur la plaine sablonneuse ; il fait un second

  1. Les Finnois se servent souvent de l’ongle, comme de terme de comparaison, lorsqu’ils veulent désigner les objets très-petits ; et de l’ongle ne prennent-ils encore que l’extrémité, la partie qui se noircit.
  2. Formule par laquelle Wäinämöinen exprime l’insignifiance de celui auquel il parle. C’est à peine s’il lui reconnaît assez des propriétés de l’être pour qu’on puisse le distinguer du néant.