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première runo

« De la partie inférieure des œufs se forma la terre, mère de tous les êtres ; de leur partie supérieure, le ciel sublime ; de leurs parties jaunes, le soleil radieux ; de leurs parties blanches, la lune éclatante ; leurs débris tachetés devinrent les étoiles : leurs débris noirs les nuages de l’air. »

Et les temps marchèrent en avant, et les années se succédèrent, car le soleil et la lune avaient commencé à briller.

Mais la mère de l’onde, la fille d’Ilma continua encore à errer sur la vaste mer, sur les flots vêtus de brouillards. Au-dessous d’elle, la plaine humide, au-dessus d’elle le ciel clair.

Et la neuvième année, le dixième été, elle leva la tête hors de l’eau et se mit à répandre autour d’elle ses créations.

Partout où elle étend la main, elle fait surgir des promontoires ; partout où touchent ses pieds, elle creuse des trous aux poissons ; partout où elle plonge, elle rend les gouffres plus profonds. Quand elle effleure du flanc la terre, elle y aplanit les rivages ; quand elle la heurte du pied, elle y fait naître des filets fatals aux saumons ; quand elle la frappe du front, elle y perce des golfes.

Puis elle prend son élan et s’avance jusqu’en pleine mer. Là, elle crée des rochers, elle enfante des écueils, pour le naufrage des navires, pour la mort des marins[1].

Déjà les îles émergent des flots, les piliers de l’air se dressent sur leur base, la terre, née d’une parole, déploie sa masse solide, les veines aux mille couleurs sillonnent les pierres et émaillent les rochers. Et Wäinämöinen n’est point encore né, le runoia éternel n’est point encore apparu.

  1. Cette étrange cosmogonie est l’objet d’explications étendues, dans l’étude relative à la mythologie finnoise qui fait partie du second volume.