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le kalevala

enseveli dans la terre, près d’un arbrisseau chargé de baies, ou bien qu’il soit ramené dans le marais, et là, qu’on lui brise la tête contre un arbre ! »

Le petit garçon, l’enfant âgé de deux semaines, dit : « Malheur à toi, vieillard stupide, malheur à toi, vieillard aveugle, car tu as prononcé une sentence injuste, un arrêt insensé ! On ne t’a point emporté dans le marais, on ne t’a point brisé la tête contre un arbre lorsque tu commis des crimes beaucoup plus graves, des actes beaucoup plus pervers, lorsque, dans ta jeunesse, tu livras l’enfant de ta propre mère pour te racheter, pour sauver ta vie ; on ne t’a même point emporté dans le marais, lorsque, dans ta jeunesse, tu précipitas les jeunes filles dans les flots profonds, au milieu de la vase noire. »

Et le vieillard baptisa l’enfant, et il le nomma roi, le nomma souverain absolu de la Karélie.

Alors, le vieux Wäinämöinen fut saisi de colère et de honte ; il alla errer le long des rivages de la mer, et là il chanta, il chanta pour la dernière fois, et, par la force de son chant, il se créa une barque, une jolie barque de cuivre.

Puis, il s’assit au gouvernail ; il se dirigea vers la pleine mer, et tandis qu’il fendait les vagues, il éleva la voix et il dit : « D’autres temps passeront, d’autres jours se lèveront et disparaîtront : alors on aura de nouveau besoin de moi ; on m’attendra, on me désirera pour apporter encore un Sampo, pour fabriquer un nouveau kantele, pour retrouver la lune et le soleil disparus, pour ramener avec eux la joie exilée de la terre. »

Et le vieux Wäinämöinen s’élança sur son navire de cuivre, à travers les flots orageux, et il gagna les horizons lointains, les espaces inférieurs du ciel.

Là, il s’arrêta avec sa barque, il se fixa avec son navire ; mais il laissa son kantele, son instrument mélo-