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cinquantième runo

ment sa chasteté. Elle se nourrissait de frais poisson, de tendre pain d’écorce ; mais elle ne voulait point manger les œufs de la poule qui avait fréquenté le coq, ni la chair de la brebis qui avait visité le bélier[1].

Sa mère lui ordonna d’aller traire ; elle refusa, et elle dit : « Une fille qui me ressemble ne touche point les mamelles de la vache qui a subi l’étreinte du taureau ; elle ne les toucherait que si elle était encore génisse, et que, comme telle, elle donnât du lait. »

Son père l’invita à monter dans un traîneau attelé d’un étalon ; elle refusa, et elle dit : « Je ne m’assoirai point à la suite d’un étalon qui a hanté les cavales ; je ne veux à mon traîneau qu’un jeune poulain, qu’un poulain âgé de six ans[2]. »

Marjatta, la belle enfant, la timide et chaste vierge, fut chargée de garder les brebis. Elle les conduisit sur le penchant et au sommet des collines, elle longea les bois, elle s’enfonça dans un massif d’aulnes, tandis que le coucou d’or chantait, que la voix d’argent modulait ses accords. Alors, elle jeta les regards autour d’elle, elle prêta une oreille attentive, et s’asseyant, près d’une montagne, sur une touffe de verdure chargée de baies, elle prit la parole et elle dit : « Chante, beau coucou d’or, chante, voix

  1. « Marjatta korea kuopus,
    Tuo on piika pikkarainen
    Piti viikoista pyhyyttä,
    Ajan kaiken kainoutta ;
    Syöpi kaunista kaloa,
    Petäjäta pehmeatä,
    Ei syönyt kanan munia,
    Kukerikun riehkatuita,
    Eikä lampaham lihoa,
    Ku oli ollut oinahilla. »

  2. Ces passages sont fort difficiles à traduire, car notre langue ne supporterait pas l’excessive crudité de l’original. Il y a là du reste un trait de mœurs des plus caractéristiques : Marjaita n’est point un type isolé, elle représente la jeune fille finnoise, en général, cette jeune fille profondément vertueuse, mais dont la vertu n’est nullement un effet de l’ignorance.