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quarante-neuvième runo

été ouvertes, les verrous auraient été brisés, et la lune se fût échappée pour briller, le soleil pour rayonner. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Les portes ne cèdent point à la parole, les verrous résistent aux formules magiques ; on ne saurait non plus les ébranler avec les poings, les arracher avec les bras. »

Et il se rendit dans l’atelier du forgeron, et il lui dit : « Ô forgeron Ilmarinen, forge-moi une fourche à triple pointe, une douzaine de coins aigus ; forge-moi un puissant trousseau de clefs, afin que je délivre la lune du rocher, le soleil de la montagne de fer. »

Le forgeron Ilmarinen, le batteur de fer éternel, satisfit à la demande du héros ; il forgea une douzaine de coins aigus, un puissant trousseau de clefs, une fourche à triple pointe, et il ne les fit ni trop grands ni trop petits, il les fit de grandeur moyenne.

Louhi, la mère de famille de Pohjola, la vieille édentée de Pohja, se fabriqua des ailes de plumes et prit son essor dans les airs ; elle vola d’abord autour de sa maison, puis elle s’élança au loin, elle franchit la mer de Pohjola et s’abattit près de la forge d’Ilmarinen.

Le forgeron ouvrit sa fenêtre pour voir si ce n’était point la tempête qui approchait ; mais ce n’était point la tempête, c’était un vautour gris.

Ilmarinen lui dit : « Que cherches-tu ici, sous ma fenêtre, hideux oiseau ? »

Le vautour répondit : « Écoute-moi, ô forgeron Ilmarinen, ô batteur de fer éternel, tu es un habile ouvrier, un forgeron sans égal. »

Ilmarinen dit : « Il n’est point étonnant que je sois un habile forgeron, puisque j’ai forgé le ciel et le couvercle de l’air. »

L’oiseau reprit la parole, le vautour dit : « Que forges-tu donc là, maintenant, ô illustre ouvrier ? »

Le forgeron Ilmarinen répondit : « Je forge un carcan de fer, pour attacher la misérable vieille de Pohjola au flanc de la montagne. »