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quarante-neuvième runo

nant, d’interroger le sort ; il est temps, pour l’homme, de consulter les signes et de leur demander où le soleil a pris sa course, où la lune a disparu. »

Et le vieux Wäinämöinen, le runoia éternel, tailla des éclisses dans un tronc d’aulne, puis il les retourna, les mit en ordre avec la main, et il dit : « J’interrogerai le Créateur ; je lui demanderai une réponse. Dis-moi la vérité, ô signe du Créateur ; parle, augure de Jumala : où le soleil a-t-il pris sa course, où la lune a-t-elle disparu, puisqu’ils ne se montrent plus à la voûte du ciel ?

« Oui, ô sort, dis-nous la chose telle qu’elle est, et non telle que les hommes voudraient qu’elle fût ; apporte-nous un message véridique, dénoue le lien solide. Si le sort, si le signe des hommes devenait trompeur, il perdrait ainsi toute sa valeur et ne mériterait plus que d’être jeté au feu, lancé au milieu des flammes[1]. »

Le sort apporta un message véridique, le signe des hommes répondit ; il dit que le soleil s’était réfugié, que la lune avait disparu dans les montagnes de pierre, dans le château de cuivre de Pohjola.

Alors, le vieux Wäinämöinen dit : « Si je me rends dans Pohjola, si je gagne les sentiers des fils de Pohja, je réussirai certainement à ramener la lumière de la lune, les rayons d’or du soleil. »

Et le vieux Wäinämöinen se hâta de se mettre en route. Il marcha un jour, il marcha deux jours ; le troisième jour, les portes de Pohjola lui apparurent, la haute montagne de pierre se dressa devant ses yeux.

Il s’arrêta sur les bords du fleuve, et il cria d’une voix retentissante : « Amenez-moi ici un bateau, afin que je traverse le fleuve ! »

Mais son cri ne fut pas entendu, et aucun bateau ne fut amené. Alors il rassembla sur la rive un amas de

  1. Cette partie de la runot s’appelle le chant ou les paroles du sort : Arvan sanat. Il s’agit ici d’un moyen dont les sorciers finnois se servaient pour découvrir les choses cachées. J’expliquerai, dans le second volume, comment il se pratiquait.