Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/523

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
465
quarante-septième runo

mais on manqua d’adresse, car on ne prit point le poisson désiré.

Les hommes succédèrent aux femmes ; les frères lancèrent la nasse, ils travaillèrent, ils battirent l’eau, à l’embouchure des golfes, au détour des promontoires, le long des écueils de Kaleva ; mais ils ne prirent point le poisson désiré ; le brochet gris ne sortit point des ondes du lac : les poissons étaient petits, les tresses de la nasse trop larges.

Les poissons se mirent à jaser ; le brochet dit au brochet, la truite à la truite, le saumon au saumon : « Ils sont donc morts les héros fameux, ils ont disparu ces fils de Kaleva qui tressaient des nasses avec du fil de lin, du fil de chanvre, qui battaient l’eau avec de grands battoirs, de longues perches ! »

Le vieux Wäinämöinen entendit ces paroles, et il dit : « Non, les héros ne sont pas morts, non, la race de Kaleva n’est point éteinte ; s’il en meurt un, il en naît deux, deux qui sont armés de meilleurs battoirs, de perches plus longues, de nasses plus larges[1]. »

  1. Cette runo est consacrée presque tout entière à raconter l’origine du feu Tulen synty. L’aventure qui en fournit l’occasion a été inspirée sans doute par une de ces périodes de l’hiver polaire où le soleil semble avoir été détaché de la voûte céleste pour faire place à une nuit éternelle. Quant au rôle que la runo fait jouer ici à la truite et au brochet, ne pourrait-il pas s’expliquer par l’observation de ces phénomènes d’électricité et de phosphorescence dont certains poissons donnent le spectacle au milieu de l’obscurité ?