Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xlii
introduction

Mais, ici, le chant, même lorsque s’y joignent les accords du kantele, est d’une simplicité et d’une uniformité singulières. La muse finnoise n’a pas besoin de ces mélodies dont la richesse et la variété ne servent le plus souvent qu’à racheter le vide des mots et l’inanité du sens ; elle puise toute sa force dans la vie intérieure qui palpite en elle.

Observons que le chant, interprète du verbe, a d’autant plus d’efficacité qu’il plonge plus profondément dans la nature des choses. En certains cas même il ne peut exercer son empire qu’à la condition de remonter au point extrême de leur origine et d’en raconter tous les mystères, Ainsi, lorsque Wäinämöinen, blessé au genou par le fer de sa hache, s’adresse à un sage pour en obtenir guérison, celui-ci lui déclare tout d’abord qu’il ne saurait agir qu’après avoir appris l’origine du fer. Le Kalevala est rempli d’exemples analogues. N’est-ce pas là une idée de haute et lumineuse philosophie ?

Voilà pourquoi, malgré ses excentricités les plus étranges, ses fantaisies les plus étourdissantes, l’épopée finnoise n’en est pas moins un hommage à la fois éclatant et positif au génie humain, une revendication magistrale, en faveur des grandes facultés de l’âme, de la suprématie à laquelle elles ont droit sur la force brutale.