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quarante-sixième runo

Et Wäinämöinen arracha les dents d’Otso ; puis il reprit la parole et il dit : « Ô bel Otso, gracieuse pomme des bois, il faut que tu fasses encore un peu de chemin, il faut que tu sortes de cette étroite maison, de cette humble cabane, pour aller dans une demeure plus illustre, dans une habitation plus vaste.

« Viens donc, ô mon or, viens, ô mon argent ; longe les chemins des porcs, les sentiers des petits cochons, la colline ombragée, et gagne les hautes montagnes, la cime du pin touffu, du sapin fertile en résine. Là, tu vivras agréablement, tu passeras doucement tes jours, tu entendras les grelots du bétail, les sonnettes carillonnantes des troupeaux[1]. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen revint alors dans sa maison. Les jeunes gens prirent la parole, la belle foule lui dit : « Où as-tu porté ton gibier, où as-tu déposé le lot qui t’était échu en partage ? Peut-être l’as-tu abandonné sur la glace, noyé dans la neige ou dans l’eau, peut-être l’as-tu enfoncé dans la vase du marais, enseveli dans les sables de la bruyère ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Non, je ne l’ai point abandonné sur la glace, je ne l’ai point noyé dans la neige ni dans l’eau, car les chiens l’y déroberaient, les oiseaux l’y découvriraient ; je ne l’ai point enseveli dans les sables de la bruyère, car les vers l’y dévoreraient, les fourmis l’y rongeraient.

« J’ai conduit mon gibier, j’ai porté le lot qui m’est échu en partage au sommet de la colline d’or, de la montagne de cuivre ; et je l’ai suspendu dans la couronne d’un arbre sacré, d’un sapin au riche feuillage, à la branche la plus belle, la plus touffue, comme un signe de joie pour les hommes, comme une marque d’honneur pour ceux qui passent.

  1. Chez les Finnois, ainsi qu’on l’a déjà vu, les bestiaux que l’on conduit au pâturage ont toujours un grelot ou une sonnette au cou. L’ours, qui souvent enlève des pièces de bétail pour les dévorer, devait se placer dans un endroit d’où il pouvait entendre le signal annonçant l’arrivée de la proie qu’il convoitait.