Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/511

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
453
quarante-sixième runo

« Ensuite, elle mit son bien-aimé en liberté, elle l’envoya parcourir les marais, errer à travers les petits bois, longer les forêts défrichées, rôder dans les bruyères ; elle le pria de marcher avec grâce, de se mouvoir avec élégance ; elle l’invita à passer joyeusement les jours, à consumer agréablement les heures, sur le sein de la terre, au milieu des joncs marécageux, le long des plaines charmantes ; à courir sans chaussure pendant l’été, sans bas pendant l’automne ; elle lui conseilla de se réfugier, pendant l’hiver, pendant les temps rigoureux, dans une cabane en bois de putier, près du château de sapin, de la belle racine du pin, au cœur d’un massif de genévriers, le corps enveloppé de cinq couvertures, de huit manteaux de laine[1]. Voilà où j’ai trouvé ma proie, où j’ai abattu mon gibier. »

Les jeunes gens dirent, les vieillards s’exprimèrent ainsi : « Comment la forêt est-elle devenue si complaisante ? Comment le désert est-il devenu si généreux ? Par quel moyen le souverain des bois, l’illustre Tapio a-t-il pu être persuadé de donner son plus bel animal, son remarquable pied de miel ? Otso est-il tombé frappé par l’épieu, ou percé par une flèche ?

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Voici comment la forêt est devenue si complaisante, comment le désert est devenu si généreux ; voici par quel moyen le souverain des bois, l’illustre Tapio, a été persuadé :

« Mielikki, la mère des bois, Tellervo, la fille de Tapio, la vierge des bois au gracieux visage, la petite servante de la forêt se sont empressées elles-mêmes de guider mes pas, elles ont planté des poteaux le long de la route, elles ont gravé des signaux sur les rochers, à travers les bois,


    des plus fantastiques que l’on puisse imaginer. Cependant, même, au milieu de ses bizarreries, elle accuse des notions très-sérieuses d’astronomie et de physiologie.

  1. On trouve dans toute cette runo, et notamment dans ce passage, un singulier mélange d’expressions littérales et d’expressions figurées ; il est facile de les distinguer, et le sens en est manifeste.