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introduction

dans toute sa plénitude et sa majesté. Encore arrive-t-il plus d’une fois que le héros se trouve au dépourvu, obligé alors de chercher les formules qui lui manquent à travers les espaces du monde, et jusque dans les régions d’outre-tombe et au fond même des entrailles des morts.

Mais, dès que le verbe est en lui, le verbe correspondant à l’exploit ou au projet qu’il porte dans sa pensée, voyez comme il dédaigne tout autre instrument d’action ! C’est en vain, par exemple, que Joukahainen vient le provoquer au combat et fait étinceler à ses yeux l’acier de son glaive. Wäinämöinen se contente de l’écraser sous le poids de ses paroles sacrées. Même dans sa lutte suprême contre Pohjola, il ne déploie contre le sombre peuple d’autre force que la force du verbe ; et lorsque, une seule fois, il fait usage du glaive, on sent, à la manière dont il fauche les têtes, que son glaive n’est point simplement une arme matérielle, mais qu’il est vivifié et mû par l’esprit. Ce que je dis ici de Wäinämöinen s’applique, à des degrés divers, à tous les héros du Kalevala ; leur puissance, leurs succès sont en raison directe de leur science du verbe.

Le verbe dont il s’agit se traduit par la parole, et cette parole est toujours accompagnée du chant.