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le kalevala

Ensuite, il le toucha de ses dix doigts, de ses cinq doigts ; il les fit bondir à travers ses accords ; il en joua de ses petites mains, de ses doigts délicats, de son pouce recourbé ; et l’on entendit la caisse de bouleau tressaillir, l’or donné par le coucou frissonner, les cheveux de la jeune vierge résonner joyeusement.

Et, tandis que Wäinämöinen faisait vibrer le kantele, les montagnes s’agitèrent, les rochers tonnèrent ; et, de toutes parts, leurs échos s’éveillèrent, et les pierres se balancèrent sur les vagues, les cailloux flottèrent à la surface des eaux, les sapins dansèrent de joie, les troncs d’arbre bondirent au milieu des bois.

Et les femmes de la race de Kaleva quittèrent leurs travaux. Elles accoururent rapides comme un fleuve, impatientes comme un torrent, les jeunes avec les lèvres souriantes, les vieilles avec le cœur gai, pour écouter le jeu de l’instrument, pour admirer les accents de la joie.

Tous les hommes des alentours, le bonnet à la main, toutes les femmes, la main sur la joue, toutes les jeunes filles, les yeux mouillés de larmes, tous les jeunes garçons, les genoux à terre, vinrent prêter l’oreille aux sons du kantele et admirer sa joyeuse harmonie ; et, en même temps, ils disaient : « Non, jamais, dans tout le cours de cette vie, et depuis que brille la lune, on n’a entendu de si doux accords. »

Les vibrations du kantele résonnèrent à travers six villages ; pas une créature qui n’accourût pour les écouter. Toutes les bêtes des bois s’accroupirent sur leurs pattes, tous les oiseaux de l’air se posèrent sur les petites branches, tous les poissons de l’eau se précipitèrent vers les rivages, les vers de terre eux-mêmes quittèrent leur muet repaire, pour se réjouir aux mélodies du kantele, pour savourer les accents de Wäinämöinen.

Le vieux Wäinämöinen toucha l’instrument avec une habileté merveilleuse ; il en tira des sons splendides. Il joua pendant un jour, pendant deux jours, sans interruption, après n’avoir pris qu’un seul repas du matin,