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quarante-troisième runo

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen, gouvernait son navire sur la mer bleue ; il éleva la voix des profondeurs de la poupe et il dit : « Ô fils de Lempi, ô joyeux Lemminkäinen, le plus cher de mes amis, monte à la cime du mât, grimpe dans les cordages, regarde à travers le ciel, devant et derrière nous, et vois si les rivages de l’air sont clairs ou s’ils sont obscurcis par les brouillards. »

Le joyeux Lemminkäinen, le gai compère toujours prêt à agir sans y être excité, toujours plein de zèle sans y être exhorté, monta à la cime du mât, grimpa dans les cordages.

Il tourna ses regards vers l’orient et vers l’occident, vers le sud et vers le sud-ouest, il interrogea les rivages de Pohjola, et il dit : « Le ciel est clair devant nous, mais, derrière nous il est sombre : un petit nuage s’élève du côté du nord, un léger flocon de vapeurs se balance du côté du nord-ouest. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Certainement, tu ne parles pas selon la vérité. Ce n’est point un nuage qui s’élève, ce n’est point un flocon de vapeurs qui se balance ; c’est un navire qui court sur ses voiles ; regarde encore avec plus d’attention ! »

Le joyeux Lemminkäinen regarda avec plus d’attention, et il dit : « Une île apparaît dans le lointain, une île se dresse à l’horizon : les vautours se jouent dans ses peupliers, les aigles dans ses bouleaux. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Certainement, tu ne parles pas selon la vérité. Ce ne sont point des vautours, ce ne sont point des aigles, ce sont les hommes de Pohjola ; regarde encore une troisième fois ! »

Le joyeux Lemminkäinen regarda une troisième fois, et il dit : « Voici que s’avance le navire de Pohjola ; cent hommes y sont assis au banc des rameurs et manœuvrent les avirons ; mille héros y restent inoccupés. »

Le vieux Wäinämöinen pressentit alors la vraie vérité, et il dit : « Rame maintenant, ô forgeron Ilmarinen, rame, ô joyeux Lemminkäinen, ramez, ô vous tous qui