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le kalevala

avoir accordé sa bouche, préludé avec sa langue[1], se mit à chanter. Il poussa, l’audacieux, des cris rauques, de sa voix chevrotante, il tira d’affreux ronflements du fond de sa gorge fêlée.

Et sa bouche se contournait, et sa barbe tremblotait. Ce chant étrange retentit au loin sur la mer ; on l’entendit par delà six villages, par delà sept golfes.

Une grue était perchée sur un tronc d’arbre, sur une motte humide ; elle levait ses pieds en l’air et comptait le nombre de ses doigts ; elle entendit le chant de Lemminkäinen et fut frappée d’épouvante[2].

Elle prit aussitôt son vol en poussant des cris horribles, et se dirigea du côté de Pohjola. Là, elle renouvela ses cris ; et leur éclat sinistre eut la funeste puissance de réveiller tout le peuple.

La mère de famille de Pohjola surgit de son long sommeil ; elle courut à l’étable, elle courut à l’étuve où séchait le grain, et elle passa en revue le bétail et les épis ; le bétail était intact, aucun épi n’avait disparu.

Elle gagna la montagne de pierre, la montagne de cuivre ; mais, arrivée près des portes, elle s’écria : « Malheur à mes jours, infortunée que je suis ! Sans nul doute, un étranger s’est introduit ici ; il a brisé toutes les serrures, il a brisé tous les verrous de fer, il a ouvert toutes les portes du château. Est-ce que le Sampo aurait été enlevé, est-ce que le beau couvercle aurait été emporté ? »

Certainement, le Sampo avait été enlevé, le beau couvercle avait été emporté. On les avait arrachés des entrailles de la montagne de pierre, de la montagne de

  1. « Suutansa sovittelevi,
    « Saveltansa säattelevi. »

  2. « Kurki istui kanuon paässa,
    « Märan mättähän nenässä,
    « Sormiluitansa lukevi,
    « Jalkojansa nostelevi ;
    « Sepa saikahti kovasti
    « Lemminkäisen laulanta’a. »