Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/469

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
411
quarante-deuxième runo

Le joyeux Lemminkäinen dit : « S’il y avait autrefois de l’eau pour le rameur, il y avait aussi des chants pour le runoia ; mais, maintenant, on n’entend jamais de chant sur les navires, on n’entend jamais la moindre mélodie au milieu des vagues. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « On ne doit point chanter sur la mer, on ne doit point chanter au milieu des vagues ; le chant engendre la paresse et arrête le bras des rameurs. Le jour d’or s’évanouirait, la nuit viendrait brusquement nous surprendre sur cette plaine immense, sur ces vastes golfes. »

Le joyeux Lemminkäinen dit : « Le temps n’en marcherait pas moins, le jour d’or n’en arriverait pas moins à son terme, la nuit n’en déroulerait pas moins son voile ténébreux, lors même que tu ne chanterais jamais, que tu ne modulerais aucun chant, durant tout le cours de ta vie. »

Le vieux Wäinämöinen poursuivit sa course ; il marcha un jour, il marcha deux jours ; mais, le troisième jour, le joyeux Lemminkäinen reprit la parole et dit : « Pourquoi ne chantes-tu pas, ô Wäinämöinen, pourquoi ne chantes-tu pas, ô héros à la noble origine ? N’as-tu pas enlevé le Sampo, n’as-tu pas fait un heureux voyage ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Il est encore trop tôt pour chanter, pour donner l’essor à la joie ; il faut attendre que nous soyons en vue de nos propres demeures, que nous entendions les grincements de nos propres portes. »

Le joyeux Lemminkäinen répliqua : « Si j’étais assis au gouvernail, je chanterais, suivant ma puissance, je chanterais, car je me sens disposé à chanter. Peut-être qu’un autre jour ma puissance se sera évanouie, ma force devenue insuffisante. Ainsi donc, si tu ne me promets pas de chanter, je chanterai moi-même, sans plus tarder. »

Et le joyeux Lemminkäinen, le beau Kaukomieli, après