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le kalevala

avons arraché le beau couvercle de cet endroit misérable, de cette triste Pohjola, où les transporterons-nous ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « Nous transporterons le Sampo, nous transporterons le beau couvercle à l’extrémité du promontoire nébuleux, de l’île riche d’ombrages, pour qu’il y reste éternellement et qu’il y soit une source de prospérité. On trouvera bien dans cette île une petite place, un petit coin de terre qui jamais n’ait été brouté, jamais foulé aux pieds, jamais visité par les glaives des hommes. »

Et le vieux Wäinämöinen, le cœur plein d’une joie triomphale, s’éloigna de la sombre Pohjola, et reprit la route de son pays ; et, tandis qu’il gouvernait son navire, il éleva la voix et il dit : « Fuis, ô navire, loin de Pohjola, tourne ta poupe du côté des pays étrangers[1] et gagne mes propres rivages !

« Berce, ô vent, berce mon bateau, et toi, ô vague de la mer, pousse-le en avant, prête ton secours aux rames, allége les efforts des rameurs, sur ces vastes ondes, sur ces golfes immenses !

« Si les rames sont trop petites, si les rameurs sont trop faibles, si les conducteurs, si les pilotes du navire sont des enfants, donne tes propres rames, ô Ahto[2], donne ton propre navire, ô souverain des ondes, donne de nouvelles et de meilleures rames, un pilote plus habile et plus ferme ; prends toi-même les rames en main, et fais marcher rapidement le navire à travers les tourbillons redoutables, les vagues écumantes[3]. »

Le vieux Wäinämöinen continua de gouverner habilement le navire ; le forgeron Ilmarinen et le joyeux Lemminkäinen manœuvrèrent les rames avec une nouvelle ardeur ; ils avancent, d’une course rapide, sur la mer profonde.

  1. « Perin maille vierahille. »

  2. Dieu des eaux.
  3. Cette partie de la runo forme un chant spécial dit chant ou paroles du rameur, Soutajan sanat.