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quarante et unième runo

Les sœurs de Sotkottar[1], les vierges du rivage, à la parure de roseaux, lissaient leurs longues boucles, leur riche chevelure, avec une brosse d’argent, une brosse d’or. Elles entendirent les sons merveilleux ; et soudain, leur brosse tomba dans l’eau, elle disparut au fond des ondes, et leur chevelure resta à moitié lissée, les anneaux de leurs boucles à moitié formés[2].

La souveraine des ondes, la vieille femme au sein enveloppé de saules, surgit des profondeurs de la mer, et elle appuya sa poitrine contre un rocher fixé dans l’eau, pour écouter la voix de Wäinämöinen, la surprenante mélodie du kantele ; et, dans son ravissement, elle oublia de quitter le rocher et s’y endormit.

Le vieux Wäinämöinen fit résonner son kantele pendant un jour, pendant deux jours ; il ne se trouva pas un héros, pas un homme, pas une femme à la riche chevelure, qui ne fussent touchés jusqu’aux larmes, et dont les cœurs ne se fondissent. Les jeunes pleurèrent, les vieux pleurèrent, les hommes mariés pleurèrent, les hommes non mariés pleurèrent, les enfants au berceau pleurèrent, les tendres petites filles pleurèrent, et les jeunes garçons, et les jeunes vierges, tant la voix du runoia était douce, tant l’harmonie de l’instrument était pénétrante.

Et le vieux Wäinämöinen pleura aussi lui-même. Les larmes s’échappèrent de ses yeux, les gouttes d’eau jaillirent de ses paupières, plus épaisses que les baies des

  1. Déesse protectrice des oies et des canards.
  2. « Sisarekset Sotkottaret,
    « Rannan ruokoiset kalykset
    « Hiipoivat hivuksiansa,
    « Hapsiansa harjasivat
    « Harjalla hopea-paallä,
    « Sukimella kultaisella ;
    « Saivat kuulla aanen ouon,
    « Tuon on soitannan sorean,
    « Sulkahti suka vetehen,
    « Haitui harja lainehesen,
    « Jai hivukset hiipomatta,
    « Tukat kesken suorimatta. »