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le kalevala

Et il prit l’instrument entre ses doigts, il appuya la caisse sonore sur son genou, il plaça le kantele sous sa main ; et il éleva la voix, et il dit : « Qu’ils viennent, maintenant, ceux qui veulent entendre la joie des runot éternelles, les mélodieux accords du kantele, qu’ils viennent ceux qui ne les ont pas encore entendus ! »

Et le vieux Wäinämöinen commença à jouer magnifiquement ; il toucha l’instrument formé des os du brochet, le kantele d’os de poisson : ses doigts couraient flexibles sur les cordes, son pouce tendu les effleurait légèrement.

Et la joie rayonnait véritablement dans la joie, l’allégresse enflammait l’allégresse ; le jeu du héros s’élevait comme la voix de l’harmonie, le chant éclatait dans toute sa force ; et les dents du brochet résonnaient, et les nageoires frémissaient harmonieusement, et la crinière du coursier ébranlait les airs de ses vibrations splendides[1].

Et tandis que le vieux Wäinämöinen touchait le kantele, il ne se trouva pas un être dans les bois, pas un animal marchant sur quatre pieds, bondissant sur ses pattes velues, qui n’accoururent pour écouter l’instrument, pour admirer les accents de la joie.

Les écureuils sautent de branche en branche, les hermines grimpent sur les poteaux des cloisons, les élans bondissent à travers les plaines, les lynx tressaillent de plaisir.

Et le loup s’émut aussi dans le marais, l’ours se réveilla dans le désert, au fond de sa tanière enveloppée de sapins épais. Le loup franchit les vastes espaces ; l’ours longea les bruyères, s’arrêta à l’extrémité d’une cloison

  1. « Jo kävi ilo ilolle,
    « Riemu riemiulle remahti,
    « Tuntui soisto soitannalle,
    « Laulu laululle tehosi ;
    « Helähteli hauin hammas,
    « Kalan pursto purkaeli,
    « Ulvosi upehen jouhet,
    « Jouhet ratsun raikkahuivat. »