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le kalevala

et il éleva la voix, et il dit : « Suspens, ô cataracte, tes bonds furieux, cesse de gronder, ô débordement immense ! Et toi, ô vierge des torrents, dresse-toi, comme une digue sur la roche écumeuse, retiens avec tes mains, rassemble avec tes doigts les vagues effrénées, afin qu’elles ne se brisent point contre ta poitrine, qu’elles ne se tournent point contre nous !

« Ô vieille qui habites sous les ondes, ô femme qui résides au fond des torrents orageux[1], sors de ton humide demeure et viens condenser les masses bondissantes, les flots emportés, afin qu’ils n’attaquent point l’innocent, qu’ils ne se vautrent point sur celui qui est libre de fautes[2] !

« Que les pierres fixées au milieu de la cataracte, que les rochers fixés au cœur des sources impétueuses, abaissent le front, inclinent la tête, sur le sentier du rouge bateau, sur la route du navire goudronné[3] !

« Et si cela ne suffit point, ô Kimmo fils de Kammo[4], prends une tarière, prends un ciseau de fer, et perce un trou dans le rocher, le dur rocher de la cataracte, en sorte que le bateau puisse passer, que le navire puisse, sans dommage, poursuivre sa route !

« Et si cela ne suffit point encore, ô père des ondes[5], ô habitant des torrents rapides, change les rochers en

  1. Veen eukko, Veen emäntä, la vieille, la mère des eaux, divinité marine.
  2. « Jott’ei syytöinta syseä,
    « Viatointa vierettele »

  3. C’est-à-dire se détournent pour laisser passer le navire :

    « Kivet keskellä jokea,
    « Paaet kuohun kukkuralla
    « Otsansa alentakohon,
    « Paälakensa painakohon.
    « Matkalta punaisen purren,
    « Tielta tervaisen venehen ! »

  4. Divinité qui régnait sur les pierres et habitait au sein d’un rocher.
  5. Veen ukko : l’ancien des eaux, dieu marin ; on l’appelle aussi aaltojen kun’ngas, roi des flots.