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trente-neuvième runo

Le navire répondit avec intelligence, le vaisseau richement armé de rames s’exprima ainsi : « Aucun bateau de ma famille, aucun autre de mes frères ne s’élance dans la mer, ne se précipite au sein des vagues, sans l’aide d’un poing, sans le secours d’un bras puissant. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Si je te lance à la mer, marcheras-tu sans l’emploi des rames, avanceras-tu sans qu’on te vienne en aide, sans que le vent gonfle tes voiles ? »

Le navire répondit avec intelligence, le vaisseau richement armé de rames s’exprima ainsi : « Aucun bateau de ma famille, aucun autre de mes frères ne marche sans l’emploi des rames, n’avance sans qu’on lui vienne en aide, sans que le vent gonfle ses voiles. »

Alors, le vieux Wäinämöinen laissa son cheval dans un bois et l’attacha à un arbre ; puis, déployant la force magique du chant, il poussa le navire dans la mer, et il lui dit : « Ô navire aux courbes puissantes, ô vaisseau richement armé de rames, es-tu aussi capable de porter une lourde charge que tu es beau à voir ? »

Le navire répondit avec intelligence, le vaisseau richement armé de rames s’exprima ainsi : « Oui, certainement, je suis capable de porter une lourde charge ; mon pont est vaste : cent hommes, mille héros peuvent facilement y trouver place et y manœuvrer les rames. »

Le vieux Wäinämöinen se mit à dérouler ses chants ; et il évoqua d’un côté du navire une troupe de fiancés, à la chevelure hérissée, aux mains dures, des hommes fiers et solidement bottés ; il évoqua de l’autre côté une troupe de fiancées, à la fibule d’étain, à la ceinture de cuivre, de gracieuses jeunes filles, aux doigts ornés d’anneaux ; il évoqua, enfin, sur les bancs des rameurs, une troupe de vieillards, une race usée par le temps ; mais, pour ceux-ci, la place était étroite, car les jeunes l’avaient déjà envahie.

Wäinämöinen s’assit lui-même près du gouvernail, et en saisissant la barre, il dit : « Marche, ô navire, sur