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trente-neuvième runo

de fer, il est plus solide dans une ceinture d’acier. »

Mais, déjà le moment du départ était arrivé. Le vieux Wäinämöinen et le forgeron Ilmarinen allèrent à la recherche d’un cheval, d’un poulain à la courte crinière, d’un poulain âgé d’un an, portant sur le dos la selle qu’ils lui destinaient ; ils parcoururent de vastes espaces ; et ils trouvèrent, enfin, le poulain à la courte crinière dans l’épaisseur d’une forêt de sapins.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen, le forgeron Ilmarinen, lui mirent un mors à la bouche, une bride d’or sur le cou, et ils le conduisirent le long des bords de la mer. Soudain, une plainte aiguë, une voix lamentable retentit du fond de la plage où étaient amarrés les bateaux.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « C’est une jeune fille qui pleure, c’est une colombe qui se lamente : faut-il avancer pour mieux nous en assurer ? »

Et il avança lui-même, pour mieux s’en assurer. Mais, ce n’était pont une jeune fille qui pleurait, ce n’était point une colombe qui se lamentait, c’était un bateau qui pleurait, c’était un navire qui se lamentait.

Le vieux Wäinämöinen s’approcha du navire, et il lui dit : « Pourquoi pleures-tu, ô barque de bois, pourquoi te lamentes-tu, ô vaisseau richement armé de rames ? Est-ce parce que tu es lourd, parce que tu es grossièrement construit ? »

La barque de bois, le vaisseau richement armé de rames répondit : « Ainsi que la jeune fille aspire à la maison d’un époux, même lorsqu’elle habite encore la maison de son père, ainsi le navire aspire à voguer sur les flots, même lorsqu’il est encore dans le pin résineux[1]. Je pleure, je me lamente après celui qui me lancera à la mer, qui me conduira à travers les vagues écumeuses.

  1. C’est-à-dire lorsqu’il est encore à l’état de pin résineux, lorsque les matériaux dont il doit être formé n’ont pas encore été mis en œuvre.