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trente-huitième runo

sur la neige, et elle dit : « Qui a bondi à travers la route ? »

Le forgeron Ilmarinen répondit : « C’est le loup qui a bondi à travers la route. »

La pauvre jeune fille se remit encore à pleurer ; elle se lamenta, elle soupira lourdement, et elle dit : « Malheur à moi, infortunée ! Il serait beaucoup mieux, beaucoup plus agréable pour moi, de me trouver sur les traces du loup farouche, sur les pas du long museau, que dans le traîneau de ce prétendant, sur les coussins de ce visage ridé : la toison du loup est plus belle, la bouche du loup est plus gracieuse. »

Le forgeron Ilmarinen se mordit les lèvres, secoua la tête, et lança son traîneau avec un bruit de tonnerre ; il marcha jusqu’à la nuit, et arriva dans un village.

Fatigué de la route, il tomba en proie à un lourd sommeil ; et tandis que l’homme dormait, un étranger caressa la femme[1].

Le lendemain matin, à cette vue, le forgeron Ilmarinen tordit la bouche, branla la tête, secoua sa noire chevelure, et il dit : « Déroulerai-je mes chants[2], et enverrai-je une pareille fiancée dans la forêt, changée en bête des bois, ou bien l’enverrai-je dans la mer, changée en poisson des eaux ?

« Non, je ne l’enverrai point dans la forêt, je ne l’enverrai point dans la mer, car toute la forêt, tous les poissons de la mer en seraient épouvantés ; je la frapperai plutôt de mon glaive, je l’exterminerai avec ma lame d’acier. »

Le glaive comprit les paroles de l’homme, il devina le projet du héros, et il dit : « Je n’ai point été créé pour

  1. « Toinen naista naurattavi
    « Micheltä unekkahalta. »

    Mot à mot : Un autre fit rire la femme pour l’homme endormi.

  2. Il s’agit ici, comme nous l’avons déjà vu dans des cas analogues, de chants magiques.