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trente-sixième runo

rées que je regrette, ni mes matinées, ni les autres moments du jour, je regrette ma belle compagne, je pleure amèrement ma bien-aimée, je pleure mon épouse aux sourcils noirs.

« Souvent, au milieu de ces douleurs, pendant le trouble de mes rêves, je porte les mains autour de moi ; mais je n’embrasse que le vide, je n’étreins que le néant[1]. »

Ainsi le forgeron passait ses jours dans le veuvage ; il vivait sans épouse. Pendant deux mois, pendant trois mois, il pleura sa femme morte ; mais, le quatrième mois, il moissonna des épis d’or dans la mer, des gerbes d’argent au sein des vagues profondes[2], puis il rassembla des monceaux de bois, il en chargea trente traîneaux, et il en fit du charbon, et il transporta le charbon dans sa forge.

Alors, il prit de son or, il prit de son argent une masse grosse comme une brebis d’automne, comme un lièvre d’hiver[3], et il la jeta dans le feu de la forge ; et il ordonna aux esclaves, aux garçons salariés de souffler.

Les esclaves soufflèrent avec force, les garçons salariés soufflèrent avec ardeur, sans gants aux doigts, sans chapeau sur la tête[4] ; Ilmarinen lui-même mit la main à l’œuvre ; il voulait se forger une femme d’or, une fiancée d’argent[5].

  1. « Jo vainen iällä tällä
    « Usein minun utuisen
    « Keskiöisissä unissa
    « Koura tyhjeä kokevi,
    « Käsi vaalivi valetta
    « Kupehelta kummaltaki. »

  2. Ilmarinen entreprit une de ces expéditions aventureuses d’où les pirates du Nord rapportaient toujours un riche butin.
  3. Une brebis née l’automne précédent, un lièvre né l’hiver précédent.
  4. Le runo veut dire par là que rien ne gênait la liberté de leurs mouvements.
  5. « Pyyti kullaista kuvaista,
    « Hopeista morsianta. »