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trente-sixième runo

main, et lui demandant s’il n’aurait pas plaisir à manger la chair de l’homme chargé d’infamies, à boire le sang du criminel.

Le glaive pressentit le dessein de l’homme, il comprit la question du héros, et il lui répondit : « Pourquoi donc ne mangerais-je pas volontiers la chair de l’homme chargé d’infamies ? Pourquoi donc ne boirais-je pas avec plaisir le sang du criminel ? Je mange bien la chair de l’homme innocent, je bois bien le sang de celui qui est libre de crimes ! »

Alors, Kullervo, fils de Kalervo, Kullervo, le jeune homme aux bas bleus, fixa son glaive en terre du côté de la garde, et il se précipita sur la pointe, et il l’enfonça profondément dans sa poitrine.

Tel fut le coup suprême, tel fut le destin cruel de Kullervo, la fin irrévocable du fils du héros, la mort de l’homme de malheur.

Lorsque le vieux Wäinämöinen eut appris que Kullervo n’était plus, que le pauvre infortuné s’était donné la mort, il prit la parole et il dit : « Ô races de l’avenir, gardez-vous d’élever vos enfants avec une sévérité trop dure ; gardez-vous de les confier à des nourrices cruelles, à des gardiennes sans conscience ! L’enfant élevé trop sévèrement n’aura jamais l’esprit ouvert, il ne possédera jamais l’intelligence de l’homme, quand même il vivrait de longs jours, et qu’il serait d’une solidité éprouvée dans son corps et dans ses membres. »